150 nautiques (2eme partie)

 

Le démarrage du moteur, quoi qu’on en dise est un moment important… en tout cas pour moi. C’est une étape un peu technique qui nécessite le respect scrupuleux de quelques règles. Lors de l’un de mes premiers solos, l’excès de stress ma fait oublier une de ces étapes et j’ai réussi à noyer le moteur. Cela ne saurait se produire aujourd’hui, en tout cas je l’espère. J’ai travaillé sur mon stress. D’abord en essayant de parfaire mes connaissances, en prenant mon temps lors de ces étapes cruciales, et en tirant les leçons des mes erreurs passées (et de celles des autres). De plus, une bonne nuit de sommeil et une alimentation (relativement) saine, je n’ai plus d’excuse.        

J’appuie sur le démarreur, ça part au quart malgré le froid ! Forcément je remercie Michel intérieurement. Voilà qui n’altère pas la confiance relative qui m’habite à 13h15.

Après quelques minutes de mise en œuvre, l’avion est prêt, et moi aussi. Je suis au point d’attente, en bordure de piste. Rien en approche, alors je pousse légèrement les gaz et place mon avion sur la piste, aligné. Conservateur de cap, je revérifie une dernière fois mes volets, pompe en marche, réchauffe sur froid, mixture plein riche, pas d’alarme. Décision : j’y vais.

Je regarde loin devant…et j’y vais.

 

Je ne dirais pas que je ressens un sentiment de légèreté, je suis trop inquiet par nature. Je parlerais plutôt de satisfaction. Je passe mes points tournants les uns après les autres. Les repères sont bien visibles, et de loin. La région parisienne était le bon choix, JF a eu la bonne analyse. Je m’amuse même à repérer visuellement la balise VOR de Châtillon que Hervé m’avait déjà fait observer l’été dernier lors d’une navigation mémorable vers Meaux.

L’étape Coulommiers se déroule en douceur, un seul avion en tour de piste, vent dans l’axe. Presque trop facile.

Deuxième étape, direction Vatry. Pour le coup je plonge dans l’inconnu car l’axe Paris –Vatry, connais pas. En fait je traverse une espèce de no man’s land d’une cinquantaine de nautiques sur lequel il n’y a pratiquement aucun repère confortable. Quelques routes départementales mais rien qui puisse m’indiquer ma latitude, à part quelques petits villages et le VOR de Vartry qui, bien sûr, semble ne pas fonctionner. Perturbé par ce VOR et par un trafic convergeant annoncé par Monsieur Seine Info pour lequel j’ai pris la décision de monter de 300 pieds, j’ai l’impression de ne plus savoir exactement ou je suis. C’est Monsieur Seine qui va me confirmer ma position, et me rassurer. J’avais pris soins de lui glisser, en me présentant, que j’étais élève solo. Il n’y a pas de honte.

L’approche de Vatry est quelque peu intimidante, la taille des infrastructures est impressionnante. C’est un aéroport… Mais je suis vite rassuré (encore une fois) quand le contrôleur m’autorise pour une longue finale, ce qui signifie en clair que je suis le seul coucou dans la zone. Rassuré mais pas étonné. Je me cale sur le PAPI, ça n’est pas facile car il faut que j’adopte une trajectoire de Jumbo. Plus j’approche et moins j’en crois mes yeux. La piste est immense. Rethel fait 750 mètres, Vatry 3800 mètres. Après cette longue, très longue finale, je me retrouve enfin, au dessus du bitume. Difficile d’estimer exactement à quelle hauteur se trouvent mes roues quand les proportions sont ainsi perturbées. L’arrondi débuté un poil trop top, je corrige légèrement… Ça n’est pas le plus bel atterrissage de ma carrière d’élève pilote, mais je suis sûr que les gens de la tour n’ont rien vu, je suis trop loin… L’honneur est sauf. Enfin je l’espère. Je suis posé, et pas besoins de frein.

Dernière étape, on rentre.

Je connais bien la route, Plein Nord jusqu’à Prunay et 025° vers Rethel. Le soleil dans le dos, c’est tout confort. Je respire un peu, je suis de retour en milieu connu. Mais passé Prunay, je pousse le vice jusqu’à me mettre en contact avec Paris Info, juste pour une dizaine de minutes. Je ne voudrais pas qu’un nouveau trafic convergeant vienne me gâcher ma journée, ça serait trop bête. C’est toujours trop bête paraît-il. Monsieur Paris info est d’humeur plutôt conviviale. Nos échanges dureront peu mais il semble savoir que je fais ma triangulaire. Avant de le quitter, il me demande si c’est ma dernière étape, ce que je lui confirme. Il me souhaite une bonne fin de vol sur un ton que je qualifierais de sincère. Je ressens un vrai sentiment de bien être.

Ça y est, je vois le terrain. Avec ce soleil dans mes 6 heures je distingue clairement le hangar qui contraste avec les champs autour. Intégration standard, et je me pose à peu près proprement sur ce bon vieux champ d’aviation. A mon retour sur le parking, je ressors ma check-list. Couper un moteur demande également une certaine rigueur.

La richesse est plein pauvre, le moteur s’essouffle et le calme revient. Je suis presque abasourdi par le calme. Il ne reste que le son aiguë du gyroscope qui se laisse vivre. Je lève les yeux. Un visage familier s’approche. C’est mon ami, mon frère d’arme avec qui j’ai appris à voler. Il est là. Les planètes sont alignées. Comme chacun sait, cela ne dure jamais très longtemps alors je garde ce moment. J’ouvre la verrière et l’air frais s’engouffre dans le cockpit, c’est comme une première bouffée. J’ai l’impression renaître. Pas de fierté, pas de triomphe. Je suis entier ; ça n’est pas si souvent.

JC

 

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